Vous avez renoncé à acheter la maison de vos rêves afin d’acheter une maison plus abordable avec votre conjoint. Or, cinq (5) mois après avoir emménagé, vous vous rendez compte que vous êtes la seule à utiliser la chambre à coucher et que votre conjoint préfère utiliser celle des autres demoiselles du quartier. Vous vous séparez, mais monsieur veut évidemment conserver la maison, il apprécie grandement le voisinage. Est-ce que vous pouvez forcer la vente de l’immeuble détenu en copropriété indivise? Est-ce que vous pouvez forcer votre copropriétaire à vous vendre sa part ou à vous racheter?
La présente publication vise à répondre à ses questions.
Qu’est-ce que la copropriété indivise?
L’indivision est un droit de propriété qui confère une quote-part d’un bien à un individu. Le bien est séparé entre les copropriétaires selon un pourcentage. Il n’a pas à être égal pour qu’il y ait indivision.
Bref, plusieurs termes juridiques compliqués pour dire que vous êtes propriétaire d’une portion d’un meuble ou d’un immeuble.
Les principaux droits et obligations des indivisaires
À moins qu’il y ait une convention d’indivision, c’est-à-dire un contrat entre les copropriétaires qui établit des règles différentes, les indivisaires bénéficient des obligations et des droits suivants :
Se servir du bien[1] : Les propriétaires indivis peuvent se servir du bien peu importe le pourcentage de leur quote-part dans le bien.
Partager les fruits et revenus[2] : Les propriétaires se partagent les revenus du bien et la plus-value future.
Partager les charges[3] : Les propriétaires sont obligés de partager les dépenses reliées à l’immeuble en proportion de leur quote-part.
Assumer la perte de valeur causée par soi-même[4] : Le propriétaire qui cause une diminution de la valeur du bien doit assumer cette diminution.
Droit au remboursement des impenses[5] : Les impenses consistent aux dépenses faites pour conserver l’immeuble, l’améliorer ou pour son appréciation personnelle. Le propriétaire qui a fait des impenses nécessaires a droit à leur remboursement. Pour ce qui est des impenses autorisées par l’autre propriétaire ou non nécessaires pour la conservation de l’immeuble, le propriétaire qui a fait la dépense a droit à une indemnité égale à la plus-value donnée à l’immeuble.
Exemple : La dépense pour refaire une toiture qui coule est nécessaire pour préserver l’immeuble et éviter qu’il dépérisse. La dépense pour rénover la cuisine et la remettre au goût du jour n’est pas nécessaire à la préservation de l’immeuble, mais elle peut en augmenter la valeur.
Attention! La prescription s’applique aux impenses et l’on ne peut plus demander de remboursement trois (3) ans après avoir effectué une dépense.
Gestion de l’immeuble[6] : Les propriétaires prennent les décisions relatives à l’administration de l’immeuble à la majorité tandis que les décisions visant à aliéner le bien indivis, à le partager, à le grever d’un droit réel, à en changer la destination ou à y apporter des modifications substantielles sont prises à l’unanimité.
[1] 1016 C.c.Q.
[2] 1018 C.c.Q.
[3] 1019 C.c.Q.
[4] 1020 al.2 C.c.Q.
[5] 1020 al.1 C.c.Q.
[6] 1025 à 1027 C.c.Q.
Nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision
Il s’agit d’une des phrases les plus connues des avocats au Québec et il s’agit de la formulation exacte de l’article 1030 du Code civil du Québec. Ainsi, la règle générale est qu’on peut provoquer le partage (la vente) de l’immeuble. Il existe cependant certaines exceptions dans lesquelles on ne peut pas forcer le partage de l’immeuble :
Convention d’indivision : Il peut être prévu dans une convention d’indivision un report du partage pendant une période n’excédant pas trente (30) ans. Si une telle convention existe, on devra la respecter. Il peut également y être prévue des règles particulières comme un droit de premier refus en cas de vente.
Dispositions testamentaires : Une personne dans son testament peut prévoir des conditions particulières concernant la vente de l’immeuble. Les héritiers sont généralement tenus de respecter ces conditions.
Jugement ou effet de loi : Dans certains cas particuliers, il existe des mécanismes pour bloquer la vente d’un immeuble. D’ordinaire, il faudra une décision d’un tribunal pour ces cas particuliers.
La demande en partage
Dans les cas habituels où aucune règle particulière ne s’applique à votre situation et où il n’y a pas de convention d’indivision, vous pouvez forcer la vente de l’immeuble en déposant une demande en partage devant un tribunal. Le même principe s’applique pour les biens meubles (Ex : une auto).
Le tribunal pourra ordonner le partage du bien en nature, c’est-à-dire la division physique du bien (Impossible pour un immeuble). Sinon, le tribunal pourra ordonner la vente du bien[1].
Qu’arrive-t-il si les copropriétaires sont d’accord à propos de la vente de l’immeuble, mais en désaccord sur les modalités de la vente? Dans ce cas, le tribunal bénéficie d’une grande latitude pour fixer les modalités de la vente et nommer un expert pour évaluer l’immeuble. Bref, le juge va trancher le désaccord entre les parties.
Attention! Le tribunal ne peut pas ordonner qu’une des parties rachète ou vende sa part à l’autre partie sauf dans la situation ci-dessous. Il peut seulement ordonner la mise en vente de l’immeuble.
[1] 476 C.p.c.
Comment empêcher la vente de l’immeuble
S’il y a plus de deux (2) indivisaires et que seulement l’un deux refusent de mettre fin à l’indivision, les autres indivisaires pourront lui verser sa part et conserver l’immeuble[1]. Si les parties ne s’entendent pas sur la valeur de la part à reprendre, ils pourront nommer un évaluateur pour le faire. À défaut, le tribunal pourra l’ordonner et fixer les modalités de l’expertise.
Outre les éléments mentionnés ci-dessus, un indivisaire pourra demander un sursis maximal de deux (2) ans pour la vente d’un immeuble en vertu de l’article 1032 du Code civil du Québec si cela a pour effet d’éviter la perte de l’immeuble.
Précisions : Le tribunal pourra accorder le sursis afin d’éviter une perte financière due à un marché immobilier défavorable. Cependant, il ne peut pas accorder de sursis à cause d’un attachement sentimental ou parce que la personne qui utilisait le bien ne pourra plus l’utiliser.
Finalement, si l’un des indivisaires réussit à vendre sa quote-part à un tiers ou si sa quote-part est visée par un recours hypothécaire, l’autre indivisaire peut écarter le nouvel acheteur ou le créancier hypothécaire en vertu des articles 1022 et 1023 du Code civil du Québec.
Dans ce cas, l’indivisaire qui écarte le tiers doit lui rembourser le prix de vente et les coûts d’acquisition. Pour ce qui est du créancier hypothécaire, l’indivisaire est subrogé dans ces droits et il va donc exercer les droits du créancier hypothécaire à sa place en payant la créance et les frais afférents.
[1] 1033 C.c.Q.
En conclusion
Ne tardez pas trop dans vos démarches afin d’entreprendre un recours judiciaire si vous vous dirigez inévitablement vers cette option. En effet, il pourrait y avoir des délais assez longs avant que votre cause ne soit entendue par le tribunal. Cela retardera d’autant plus la vente de l’immeuble.
Bien qu’en l’apparence simple, la vente d’un immeuble avec un copropriétaire peut rapidement devenir complexe et problématique. La solution idéale demeure toujours une entente à l’amiable, mais quand cela devient impossible, faites affaire avec un avocat de chez David Genest avocats afin de vous épauler dans vos démarches.
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