Au Québec, tant qu’une personne est vivante et saine d’esprit, elle peut modifier son testament jusqu’au dernier jour avant son décès. Le principe est simple, mais son application devient compliquée quand la personne est en fin de vie et avance en âge. En effet, lors du décès, se posent alors plusieurs questions relatives à la succession :
Est-ce que la personne était capable de rédiger un testament ou de consentir à ce que celui-ci soit modifié avant son décès?
Est-ce que la personne a subi une pression externe afin de modifier son testament?
Est-ce que les règles de validité des testaments ont été respectées?
Les héritiers pourraient vouloir contester la validité d’un testament afin qu’un testament antérieur rédigé par le défunt soit reconnu comme étant les dernières volontés de ce dernier ou que le testament soit annulé et que les règles de la succession sans testament s’appliquent.
Les types de testament reconnus au Québec
Avant d’entrer dans les détails de la contestation d’un testament, il faut s’attarder au type de testament parce que la procédure de contestation peut être différente dépendant du testament.
Ainsi, il y a trois (3) types de testament reconnu au Québec : le testament olographe, le testament devant témoins et le testament notarié.
Le testament olographe
Tel qu’il est prévu à l’article 726 du Code civil du Québec, le testament olographe est celui qui est entièrement écrit par le testateur et qui est signé par lui par un moyen autre que technique. Cela veut dire que le testament olographe doit être signé à la main et non électroniquement. Il n’y a pas d’autres conditions pour être valable.
Le testament devant témoins
Comme son nom l’indique, ce type de testament doit être signé devant deux témoins majeurs. Contrairement au testament olographe, le testament devant témoins peut être préparé par une personne autre que le testateur. Le testament rédigé par un avocat est un testament devant témoins.
Le testament notarié
Comme son nom l’indique également, le testament notarié doit être préparé par un notaire. Le testament notarié est le plus coûteux, mais il est aussi le plus difficile à contester.
Attention! On ne peut pas faire un testament commun ou conjoint au Québec[1].
Si un testament ne respecte pas les conditions pour avoir une forme particulière, il peut valoir pour un autre type de testament.
Exemple : Un testament notarié qui ne respecte pas toutes les conditions pour être un testament notarié pourra être considéré comme un testament devant témoins s’il respecte les conditions du testament devant témoins. Même chose pour un testament devant témoins qui pourra être considéré comme un testament olographe le cas échéant.
[1] Art. 704 du Code civil du Québec
Quels sont les principaux motifs de contestation
L’incapacité de tester
La captation
Contester un testament pour cause d’incapacité de tester
Le Code civil du Québec[1] exige qu’une personne ait la capacité requise pour signer son testament. Dans le cas où une personne n’aurait plus la présence d’esprit nécessaire lors de la signature de son testament, il sera possible d’en demander l’annulation.
En revanche, la capacité de tester se présume et c’est donc à la personne qui demande l’annulation du testament de prouver que la personne était inapte lors de la signature de son testament.
Attention, le testateur doit être inapte au moment de la signature du testament, s’il devient par la suite inapte, on ne pourra pas demander l’annulation du testament. Même chose s’il signe le testament lors d’un moment de lucidité, dans ce cas, le testament sera considéré comme valide.
Revient alors la question existentielle : Comment fait-on la preuve que la personne était inapte lors de la signature de son testament?
Bien entendu, lorsque la question se pose, le testateur est généralement décédé, donc on ne pourra pas lui poser la question. Il faudra donc des preuves circonstancielles (Témoignages, documents, rapports médicaux, etc.) pour appuyer votre cause. De même, le tribunal analysera le testament en détails afin de chercher une cohérence entre le testament et ce qui est allégué.
Comme c’est une matière civile, le fardeau de preuve est la balance des probabilités (50 % + 1). Donc, un juge doit considérer qu’il est plus probable que le testateur était inapte lors de la signature de son testament que le contraire pour qu’il annule le testament. Il ne faut pas prouver hors de tout doute raisonnable que la personne était inapte.
[1] 703 C.c.Q.
Est-ce que le notaire doit vérifier la capacité de tester?
Les gens pensent souvent à tort que le testament notarié est incontestable et que le notaire est obligé de vérifier la capacité de tester lors de la signature de l’acte. Or, le notaire n’est pas un spécialiste des troubles mentaux et ce n’est pas son rôle de déterminer la capacité de tester de la personne.
Cela étant dit, le notaire pourra engager sa responsabilité professionnelle s’il n’analyse pas au moins sommairement la capacité de tester de la personne et s’il y avait des signes évidents d’incapacité. On peut penser par exemple à une personne qui signe son testament et qui ne se souvient plus du nom de ses enfants puisqu’elle est atteinte sévèrement d’Alzheimer. La norme utilisé par les tribunaux est celle du notaire prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
Bref, on peut contester un testament notarié sur la base de l’incapacité du testateur et dans certains cas particuliers, on peut même poursuivre le notaire qui n’a pas respecter les normes de sa profession.
Contester un testament pour cause de captation
La deuxième situation classique pour laquelle on demande l’annulation du testament est lorsque le testateur a subi une pression indue, des manœuvres de manipulation, des menaces, etc. afin d’avantager quelqu’un lors de la rédaction ou la modification de son testament. On définit cette situation comme étant la captation. Lorsqu’il y a captation, le testament va refléter les volontés de l’auteur des manœuvres répréhensibles plutôt que celle du testateur.
Le fardeau de preuve est le même qu’indiqué précédemment et ce sera à celui qui invoque la captation d’en faire la preuve. Il s’agit souvent d’une preuve complexe et difficile à faire ; des circonstances nébuleuses et des avantages injustifiés ou illogiques à une personne sont des bons indices de captation.
Attention! Le testateur a le droit de modifier son testament comme il le veut s’il est sain d’esprit même si le résultat ne fait pas vraiment de sens aux yeux de ses proches. De la même manière, le fait qu’une personne s’attire les bonnes faveurs du testateur alors qu’il est en fin de vie n’est pas illégal en soit, Il faut absolument des manœuvres illicites pour qu’il y ait captation.
Exemples de captation
Mise en place d’un stratagème afin d’isoler une personne vulnérable de ses proches
Ingérence dans les affaires du testateur
Faire des représentations mensongères au testateur afin de s’attirer sa sympathie
Inciter la haine envers les autres héritiers potentiels
Violences verbales ou physiques envers le testateur
Il y a une fine ligne à ne pas dépasser entre la flatterie et la tromperie…
Certains legs illégaux
Dans certaines circonstances, le lien qui se crée entre une personne vulnérable et certaines personnes facilite les situations de captation et le législateur est venu interdire certains legs de la part d’un testateur.
Ainsi, le principal exemple de legs illégal est celui du testateur envers un ou des membres du personnel de l’établissement de santé dans lequel il résidait au moment de la signature du testament.
Même s’il est de la réelle et sincère volonté du testateur de léguer ses biens à l’infirmière qui l’a accompagné pendant ses dernières années de vie, la loi l’empêche d’agir ainsi afin d’éviter les abus et de prévenir les comportements répréhensibles dans les établissements de santé. Le legs est invalide même si le personnel médical n’a rien à se reprocher.
Autres exemples de legs illégaux
Legs au notaire ayant rédigé le testament
Legs aux témoins du testament
Legs aux membres de la famille d’accueil si le testateur y réside lors de la signature du testament
Qu’arrive-t-il à la suite de l’annulation du testament
Ce n’est pas le temps de crier Jackpot…
1. Ça serait déplacé dans les circonstances
2. Il reste à déterminer qui seront les nouveaux héritiers et légataires et il pourrait y avoir également restitution des biens
Si le défunt a préparé un autre testament valide, l’on appliquera alors les dernières volontés du défunt selon ce document.
Si le défunt n’a pas un autre testament valide, les règles de la dévolution légale sans testament (ab intestat) seront appliquées.
En conclusion
Tel que vous pouvez le constater, les règles juridiques entourant la succession sont nombreuses et complexes. Il s’agit souvent de dossiers fortement contester avec des enjeux importants et qui peuvent s’étirer sur plusieurs années nécessitant plusieurs étapes avant de se régler entièrement.
N’hésitez pas à contacter un avocat de David Genest avocats afin de maximiser vos chances de succès dans votre conflit successoral.
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